Le chant de l’eau photographie
Au départ, je cherche une façon de transcrire visuellement le son du ruisseau. Le son est un processus continu qui se déroule dans le temps; sans le temps pas de son. Or la photographie est l’art de l’instantané, elle fige l’instant. Comment exprimer une action se déroulant dans temps avec un média qui arrête le temps ? Cette contradiction m’a orienté vers la pause longue : une technique qui enregistre l’image durant plusieurs secondes, voire quelques minutes. Ainsi, j’enregistre le flux du ruisseau, créateur de sa musique. Il en résulte une image cumulative et impressionniste de la réalité.
Il faut savoir que biologiquement, l’image transmise de l’œil au cerveau représente ce qui est visible durant 1/10 de seconde, soit la durée de la persistance rétinienne. En accumulant dans un même cadre 30 secondes de vie, je crée une abstraction visuelle qui est pourtant rigoureusement exacte et fidèle à la réalité. Ces images illustrent le temps qui passe. Le temps, cette matière essentielle sans laquelle l’espace et la vie ne se matérialisent pas.
Pour l’artisan photographe, la longue exposition est un retour aux origines de la photographie alors que les émulsions lentes nécessitaient trépied et pause longue. Obligé de rester immobile, le photographe devient un autre objet dans le paysage. Il est là et attend, comme les arbres, les roches et le ruisseau. Cette prise de conscience est apaisante et nous lie ‘’physiquement’’ à ce qui nous entoure. La lenteur du processus détourne le flot habituel des pensées et nous amène ici et maintenant, simplement.
La prise de vues a duré une quinzaine de mois. Les 25 photos retenues ont été initialement regroupées en trois collections présentées à la Cité Internationale Universitaire de Paris à la Maison des étudiants canadiens, à la Fondations Lucien Paye et à la Maison du Japon d’octobre à décembre 2024.